Incognito, de Yann Perreau
Anonymat, histoires d’une contre-culture
Résumé du livre Incognito de Yann Perreau
Je est un autre… Avatars, alias, pseudonymes, multiplication des identités virtuelles : de Romain Gary aux Daft Punk en passant par Elena Ferrante ou Anonymous, les expériences d’anonymat sont au cœur des bouleversements récents de nos sociétés.
Ce livre en propose pour la première fois l’histoire, l’histoire secrète d’une contre-culture. Elle est faite de scandales, de luttes cachées et d’affaires demeurées mystérieuses. Ses acteurs sont des invisibles agissant en marge des récits officiels, héros masqués ou inconnus héroïques, lanceurs d’alerte et artistes d’avant-garde mais aussi charlatans et imposteurs. Parfois géniaux, souvent incompris, ils ont inventé des formes inouïes de ruses et de stratégies en tout genre. À l’heure de la surveillance de masse, de la célébrité pour la célébrité, ils proposent de nouvelles façons d’être au monde et réinventent les notions d’auteur, d’individu et de liberté.
A propos de l’auteur Yann Perreau
Yann Perreau est écrivain, journaliste, critique d’art et écrivain. Il a été attaché culturel adjoint au Consulat général de France à Los Angeles jusqu’en 2010. Il a publié plusieurs livres et textes, sous son nom ou d’autres.
Table des matières d’Incognito
Avant-propos : « Mon nom est personne »
Introduction : Disparaître
Généalogie d’IncognitoLa Modernité et les affres du SujetStratégiesHéros masquésEt héros anonymesTromper le mondeRenverser les valuers« Mon nom est légion »État des lieux
Conclusion : l’être qui vient
Postface (Egotrip)
Notes
Remerciements
Crédits des illustrations
Mon avis sur l’ouvrage Incognito de Yann Perreau
Andy Warhol écrivait en 1968 qu’ « à l’avenir, chacun aura droit à 15 minutes de célébrité mondiale » . A contre-pied de cette prophétie, Yann Perreau revient sur les pages les plus marquantes de l’anonymat en littérature, sous l’angle de la contre-culture. « Utiliser un pseudonyme c’est s’octroyer une liberté qui va à l’encontre des règles », explique l’auteur.
Au début, l’anonyme se cache sous le masque de Dionysos. Avec l’apparition de la notion d’auteur, il se fait anagramme, pseudo, nom de plume pour déjouer la censure. Écrivaine, il prend les habits d’un homme pour trouver un éditeur, puis part fonder une Société Anonyme outre-Atlantique. Face au star system naissant, il développe tout un arsenal de techniques de camouflage : il crée un hétéronyme plus vrai que nature, se réinvente en cyborg, cherche le « point de disparition possible ».
L’incognito revêt les habits des héros masqués pour devenir mythe, légende urbaine, s’incarne dans notre réalité afin de lui redonner un peu de magie : street artist, ou anonyme en costume de superhéros. Pour effectuer des actes héroïques ou simplement survivre, il doit se dissimuler. Il souhaite parfois tromper son monde, renverser les valeurs, il rend hommage aux homonymes d’illustres écrivains ou artistes. Aujourd’hui, c’est sur une nouvelle ligne de front numérique qu’il se bat, descendant toujours plus profondément dans l’underweb.
A contre-sens de la société qui encourage chaque individu à devenir influenceur, ou chacune de nos traces numériques est analysée, Incognito nous donne des raisons de garder espoir à travers des témoignages et récits inspirants.
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Extraits et concepts de l’ouvrage Incognito de Yann Perreau
René Descartes s’exile aux Pays-Bas
Banksy, l’instigateur d’une contre-culture musicale
Je m’appellerais Robin Gunningham, j’aurais quarante ans et j’habiterais Bristol. « Je n’ai aucun intérêt à sortir de l’anonymat. Si tu demandes à de nombreux jeunes aujourd’hui ce qu’ils veulent faire quand ils seront plus grands, beaucoup te répondent: « je veux être connu ». Et si tu leur demandes pour quelle raison, ils ne savent pas ou ils s’en foutent. Je pense qu’Andy Warhol s’est planté : dans le futur, il y aura tellement de gens célèbres, qu’un jour tout le monde finira par avoir son quart d’heure d’anonymat. Mon objectif, c’est que mes créations aient de la gueule ; pas que moi, j’ai de la gueule. Je ne m’intéresse pas à la mode. Mes créations paraissent toujours plus jolies que moi si tu nous mets côte à côte. En plus, il y a fort à parier qu’une fois le masque tombé, la réalité soit une sacrée déception pour certains ados.
Il faut du cran pour rester anonyme dans une démocratie occidentale et réclamer des choses auxquelles personne ne croit – comme la paix, la justice et la liberté. » (p.95)
Banky, entretien avec Shepard Fairey.
Daft Punk, des icônes immédiatement reconnaissables de la culture pop
« Croyez-vous que vous pouvez échapper à la célébrité ? leur demanda un journaliste anglais il y a quinze ans. – En un mot, oui, répondit Bangalter. Et nous le faisons parce que nous nous souvenons de Juan Atkins, Frankie Knuckles, Underground Resistance et tous les grands qui étaient là avant nous et n’ont pas obtenu le respect qu’ils méritaient ». […] « Ils veulent être différents l’un de l’autre, avoir chacun sa personnalité » se souvient le designer. Il constate rapidement que Guy-Man est plus introverti, qu’il n’aime pas parler. Son personnage ne communiquera donc qu’avec des symboles et images, qui défileront à la verticale sur un écran lui recouvrant tout le visage. Thomas aura, pour sa part, des mots passant sur un écran plus petit, à l’horizontale, au niveau des yeux […] Leur apparence doit enfin les rendre les plus anonymes possible, ne rien dire de leur âge, leur genre, leur couleur de peau. Des quidams androïdes dans lesquels tout un chacun peut se reconnaître, se projeter […] Paris, 11 janvier 2015. Plus d’un million de personnes manifestent en soutien aux victimes des attentats. Un événement extraordinaire, que certains ont appelé la « manifestation des anonymes ». Thomas Bangalter est là, quidam parmi les centaines de milliers d’autres. Libre, derrière ses lunettes légèrement teintées, de se noyer dans la foule. « Pendant longtemps, j’ai cru que nous anonymat était un signe de notre normalité, mais en fait non puisqu’on le recherche alors que toute la société est en quête de célébrité. C’est comme si on était une autoroute à contresens. » (p.121)
Commander X, cyber-révolutionnaire d’ Anonymous
Il lui faut d’abord changer de pseudo, Big Red étant, lui explique-t-on, complètement cramé en ligne, déjà repéré, hackable, etc. Il sera « Commander X », un nom plus vague que celui du chef mais juste au-dessous, comme une filiation. Pour son dépucelage, Commander X met en place « opération anti-Apartheid », en soutien aux camarades étudiants en guerre contre le MIT, qui dénoncent les liens que leur université entretient toujours avec le régime liberticide d’Afrique du Sud. S’appuyant sur sa pratique du phreasking, il leur bricole un système de radio CB afin qu’ils puissent communiquer en toute sécurité, échappant aux radars et écoutes de leurs lignes téléphoniques […] Territoire encore vierge hier, la Toile est de plus en plus colonisée par les multinationales, réglementée et contrôlée par les États. (p.226)
Les dérives de la démocratie représentative
Comment expliquer la violence de la répression des États face aux lanceurs d’alerte, le fait que les Anonymous soient condamnées à de si lourdes peines, pour des actions qui sont le plus souvent d’intérêt général ? Ces individus constituent, par leur existence même, une menace pour le pouvoir. Ils mettent le doigt sur les limites et dérives de la démocratie représentative, cette incapacité à penser au-delà des catégories de l’engagement, du leader (politique, syndical), de l’apparaître.
Aujourd’hui, la politique n’a plus grand-chose à voir avec la démocratie telle qu’elle fut conçue, en Grèce : une agora où tout le monde pouvait s’exprimer à part égale, où l’on tirait parfois au sort les dirigeants. Elle est devenue une scène, comme au théâtre: dramatique et même illusoire, trompeuse. Si la nécessité de représentation politique se comprend (comment faire sinon, pour gouverner avec des millions de citoyens ?), les travers de a démocratie représentative sont désormais indiscutables, avérés, presque acceptés. Les politiciens se comportent de plus en plus comme des comédiens, la séduction remplace l’argumentation, le pathos prend la place du logos et te l’ethos. (p.247)
Caractéristique de l’ouvrage Incognito de Yann Perreau
Titre : Incognito – Anonymat, histoires d’une contre-culture
Auteur : Yann Perreau
Éditeur : Grasset
Pages : 303
Année : 2017
ISBN : 978-2246-858553
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