Pour une nouvelle culture de l’attention. Que faire de ces réseaux sociaux qui nous épuisent ?
Notre temps de cerveau se monnaye sur Internet : à l’ère des contenus personnalisés, de la publicité ciblée et des agents conversationnels, sommes-nous devenus des biens consommables dans le marché de l’attention ?
Les plateformes peuvent-elles nous manipuler pour orienter nos décisions ?
La captation de notre attention n’est pas seulement un risque personnel pour notre temps, nos enfants ou notre argent. C’est aussi une menace démocratique : les libertés et le vivre-ensemble sont compromis par des logiques sournoises qui nous épuisent, polarisent les points de vue et appauvrissent notre expérience du monde.
Ce livre décrit en détail les ressorts cognitifs et psychosociaux utilisés par les algorithmes et le marketing digital pour nous cerner, nous orienter, nous soustraire des données contre notre gré… avec un cadre légal à repenser.
A propos des auteurs :
Quatre chercheurs croisent les apports des sciences cognitives, du design, de la philosophie et du droit pour proposer
une véritable régulation de la question attentionnelle
dans le monde numérique.
Stefana Broadbent, anthropologue spécialiste du numérique, est professeure dans le département de design de l’École polytechnique de Milan.Florian Forestier, docteur en philosophie et écrivain, est spécialiste de régulation numérique.Mehdi Khamassi, directeur de recherche en sciences cognitives au CNRS, est chercheur à l’Institut des systèmes intelligents et de robotique de Sorbonne Université.Célia Zolynski, professeure de droit à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, est spécialiste du droit du numérique.
Table des matières :
Introduction
PREMIÈRE PARTIE : Problématisation et enjeux de l’économie de l’attention
CHAPITRE 1 – De l’attention psychologique à l’attention conjointe
CHAPITRE 2 – L’attention comme phénomène social
CHAPITRE 3 – L’attention et ses vulnérabilités
CHAPITRE 4 – Le design et son effet sur l’attention
CHAPITRE 5 – Pourquoi le marketing s’intéresse à l’attention ?
CHAPITRE 6 – Économie de l’attention
CHAPITRE 7 – L’attention, la technique et l’expérience humaine
DEUXIÈME PARTIE : Reprendre le contrôle de notre attention
CHAPITRE 8 – Quel contrôle ? Réflexivité, liberté et espace public
CHAPITRE 9 – Quelle régulation pour reprendre le contrôle de notre attention
CHAPITRE 10 – Interdire certaines contraintes techniques déviantes
CHAPITRE 11 – Identifier la contrainte technique, la comprendre et en débattre
CHAPITRE 12 – Redonner le contrôle à l’utilisateur : droit au paramétrage et automatismes
CHAPITRE 13 – Favoriser et promouvoir des pratiques d’attention conjointe
CHAPITRE 14 – Agir collectivement
Conclusion
Postface
Notes
Remerciements
Avis et critique sur l’ouvrage « Pour une nouvelle culture de l’attention « de Broadbent, Forestier, Khamassi et Zolynski :
N’avons-nous pas tout dit sur l’attention et son économie numérique dont les principaux architectes, Google et Facebook et autres réseaux sociaux, usent et abusent au détriment de leurs utilisateurs ?
L’ouvrage « Pour une nouvelle culture de l’attention » réussi le tour de force d’innover en apportant de nouveaux concepts, un éclairage singulier et une mise en perspective originale de cette thématique. La pertinence de l’ouvrage tient selon moi beaucoup au traitement du sujet par une approche pluridisciplinaire. En effet, écrit à huit mains, cet ouvrage propose d’étudier l’attention au travers d’une perspective unique (et non quatre perspectives additionnées) nourrie par la philosophie, anthropologie numérique, la sociologie, les sciences cognitives et le droit.
De nombreux concepts permettent de mieux comprendre les mécanismes en lien avec l’attention, tel que l’agentivité ou la reflexivité.
L’ouvrage propose d’interdire certaines contraintes techniques déviantes comme les interfaces truquées, les bad sludges et les designs volontairement addictifs (autoplays, notifications constantes, A/B testing, défilement infini). Il prône l’émancipation des utilisateurs du numérique et propose des pistes de réflexions pour redonner le contrôle à l’utilisateur : nouvelles architectures web et nouveaux designs, boosts, indicateurs, mécanisme de friction, paramétrage…
Un ouvrage extrêmement intéressant pour toutes les personnes qui souhaitent questionner leur usage du numérique et s’interroger sur sa capacité à réguler son attention et réfléchir à son propre usage des outils numériques dans un objectif de méta-cognition.
Les concepts, extraits et idées ayant retenu mon attention dans l’ouvrage « Pour une nouvelle culture de l’attention »:
Nudges et boost : De nombreux nudges sont mis en place pour influencer de façon inconsciente et automatique nos comportements, par opposition à des situations qui apportent des indices épistémiques (c’est-à-dire qui aident à comprendre), permettant à l’usager de délibérer consciemment avant de décider […] Une alternative aux nudges repose sur la méthode appelée boost. Elle consiste en des interventions et outils cognitifs (par exemple, ajout d’indices informationnels visibles) visant à favoriser les compétences cognitives et motivationnelles des utilisateurs. L’idée du boost s’oppose au nudge en cela qu’il vise à préserver l’autonomie décisionnelle des utilisateurs en les rendant plus réflexifs et conscients à l’égard des choix qu’ils font. Par exemple, redesigner les environnements numériques en ajoutant des indices de qualité épistémique de l’information (p.82)Technocognition : des interventions technologiques cognitivo-inspirées dans les architectures informationnelles (par exemple, introduire de la friction dans le partage de contenus offensants). (p.83)Captation de notre attention : dans le monde numérique se traduit principalement de trois façons : elle attise nos comportements les plus automatiques, elle les enrégimente de façon à développer en nous une discipline attentionnelle qui influence notre rapport au monde ; elle formate et restreint nos capacités de perception et d’interactions. (p.123)Réflexivité : éléments internes (nos comportements, nos routines de pensée), externes (les mécanismes de l’interface, ses propriétés, les intentions derrière les contenus) et collectifs (partage d’information, communautés d’échanges, procédures de vérification) qui favorisent chez l’utilisateur une prise de recul. D’une part via des temps d’analyse de son propre comportement, de ses propres pensées (métacognition = quels sont les buts que l’individu se fixe mentalement ?). Ce recul et ces temps d’analyses peuvent avoir lieu pendant ou après l’usage. L’utilisateur est-il satisfait de sa façon d’interagir avec les interfaces, du temps qu’il y passe? […] D’autre part, un recul vis-à-vis du dispositif qu’il a face à lui (quelles sont les intentions des concepteurs ? Quelles sont ses possibilités d’agir sur l’interface et de la paramétrer ?…) […] Enfin un recul à l’égard du comportement et des intentions des autres utilisateurs afin de favoriser la collaboration, l’attention conjointe, le dialogue et le débat constructif (p.125)Générer de la friction : Ne pas se contenter de ralentir, mais introduire des mécanismes déjouant les automatismes, par exemple en ajoutant des étapes de confirmation avant de repartager une information. Exemple : « êtes-vous sûr d’avoir bien vérifié la véracité de cette information avec de la partager ? « , l’utilisateur restant in fine libre de procéder au partage ou non. (p.127). Voir « Données et Design » de la CNIL et la notion de « frictions désirables ».
Dispositifs d’autorégulation : ces outils (i.e. temps d’écran, etc.) paraissent ni suffisants ni adaptés. Tout d’abord car ils « mettent l’accent sur la responsabilisation de l’individu et ne permettent pas une véritable mise en pouvoir d’agir. En plus de les culpabiliser, ils donnent aux utilisateurs une illusion de contrôle particulièrement néfaste pour la liberté et le consentement des individus » (p.148)Bad nudge et bad sludge : Le bad nudge est une technique visant à inciter l’utilisateur à prendre une décision allant à l’encontre de ses intérêts. Le bad sludge tend à l’empêcher d’agir selon son intérêt en créant une difficulté artificielle qui entrave sa liberté de choix (p.164)Transparence des algorithmes : Quand certains chercheurs affirment que 70% des vidéos sur le climat vues par les Américains sont climatosceptiques, à cause de l’algorithme de YouTube, cette entreprise devrait être contrainte par la loi à confirmer cette statistique ou à démontrer qu’elle est fausse. (p.175)Le Privacy Information Management System ou PIMS : Le PIMS permet à l’utilisateur d’administrer ses données et de contrôler leur utilisation sans pour autant que celles-ci quittent le dispositif […] Par exemple, un individu disposant d’un PDMS doit pouvoir payer sa facture énergétique sans transmettre au fournisseur d’énergie sa consommation d’électricité détaillée […] Cela permet ainsi à l’individu de contrôler l’ensemble du cycle de vie de ses données personnelles, de leur collecte à leur destruction. Voir SOLID de Tim Berners-Lee.Interopérabilité des plateformes : en assurant la compatibilité de services de manière qu’ils puissent mutuellement échanger et exploiter des informations issues d’un autre service, cela pourrait avant tout constituer le moyen de faciliter le transfert des utilisateurs vers d’autres plateformes aux modèles d’affaires alternatifs, plus respectueux de l’attention des individus, sans pour autant perdre leurs liens sociaux et/ou l’accès aux contenus souhaités. (p.186)Droit au paramétrage : le droit au paramétrage permettrait à l’utilisateur de faire un seul paramétrage une fois pour toutes qui soit opérant sur toutes les plateformes, et d’y revenir seulement quand il le souhaite. À titre d’exemple, cela limiterait les demandes actuellement répétées des interfaces au même utilisateur de reconfigurer son choix de cookies à chaque visite (ou presque). (p.190) […] Ensuite lui offrir la possibilité d’accéder à un tableau de bord ergonomique au sein de ses paramètres récapitulant ses choix et permettant d’effectuer des réglages plus généraux. (p.191)Les opérateurs de systèmes à risques : La DGAC emploie des techniques d’analyse des activités des contrôleurs aériens et des pilotes de manière à identifier des potentiels risques précurseurs aux accidents. Les méthodes LOSA pour l’aviation et NOOS pour le contrôle aérien se sont ajoutées aux méthodes de retour d’expérience REX classiques en facteur humains déployés pour conduire une analyse fine des activités des opérateurs (p.198).
CARTE D’IDENTITÉ DU LIVRE :
Titre : Pour une nouvelle culture de l’attention
Auteurs : Stefana Broadbent, Florian Forestier, Mehdi Khamassi, Célia Zlynski
Éditeur : Odile Jacob
Pages : 272
Année : 2024
ISBN : 978-24150-08017
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Cognition & attention
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